[Scène de rencontre avec…] Christophe Vauthey #1

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Bientôt diplômé de l'ENSATT, Christophe revient sur sa formation de comédien. Un témoignage révélateur de l'importance d'être bien entouré et aidé.
  • Peux-tu nous présenter ton parcours, et ce qui t’a conduit à l’ENSATT ?

Originaire de Suisse, j’ai d’abord suivi deux années de formation préprofessionnelle au théâtre Les Alambics à Martigny. Dans ce cocon, j’ai pu expérimenter le métier d’acteur au quotidien, mais aussi découvrir les bases du chant et de la danse. Des rencontres mensuelles sous forme de représentations devant un jury et un public jalonnaient tout le déroulé de la formation. Parallèlement, je me préparais aux concours des écoles nationales supérieures, dont celui de l’ENSATT.

J’ai eu un intérêt particulier pour cette école qu’est l’ENSATT en raison de son cadre, de sa structure mais aussi et principalement pour sa diversité dans tous les métiers composant le théâtre. La possibilité de rencontrer tant de personnalités et d’individualités au sein des départements est un vrai plus au cours de la formation professionnelle et de sa vie étudiante, mais également pour les futures envies de créations à la sortie de l’école.

J’y aurai bientôt terminé les trois ans de mon cursus dans le département Jeu, trois années riches où j’ai pu approfondir ma compréhension et ma pratique du jeu à travers différents textes et modules, explorer ma passion pour le chant ou la danse, et découvrir de nouveaux axes comme le clown, le cinéma, la gestion de ma voix, la biomécanique, l’improvisation, et j’en passe. C’est une formation multiple qui, je le crois, déplace, interroge, confronte à toutes sortes d’apprentissages divers.

  • Justement, que retiens-tu de meilleur dans tes années passées à l’école ?

Sans aucun doute cette ouverture permanente, la multiplicité des découvertes et des arts réunis à l’ENSATT ou qui gravitent autour d’elle. Paradoxalement, ce n’est pas une dispersion : cela permet au contraire d’apprendre et de se confronter très vite à son métier ou du moins à ce qu’on attend de ce dernier.

Qu’est-ce que j’attends des autres et de moi-même ? Comment je vais chercher, apporter une petite contribution à l’édifice général ? On est au contact des autres et de leurs fonctions respectives, et l’on saisit d’autant plus facilement ce que chacun(e), y compris soi-même, apporte à la création, au sein d’une équipe et de personnalités différentes.

  • Et quelles difficultés, ou regrets, y as-tu connu (s’il y en a !) ?

La pandémie de Covid-19 évidemment, parce qu’elle nous a fait perdre plusieurs mois de formation et d’opportunités sur nos trois années, sans exception.

Sinon, je parlerais aussi de cette difficulté à accepter que, dans un établissement semblable à une grosse ruche en constante activité, on puisse manquer partiellement, voire cruellement de repères à certains moments de la formation. Des attentes qui s’entassent dans un coin. Un déclic que j’aurais aimé avoir plus tôt. Et pourtant, cela m’a finalement beaucoup apporté. Être partiellement livré à soi-même apporte une certaine autonomie qui est primordiale pour la professionnalisation.

Mais j’ai le sentiment que l’école se renouvelle bien sur ce point. Sa Fondation permettra sans doute même d’offrir un suivi matériel aux étudiants qui en éprouvent le besoin.

  • Tu seras très bientôt arrivé au terme de ta formation et tu t’apprêtes à devenir un professionnel accompli. Quelle est à ce stade ta vision — voire ta définition — du théâtre ?

J’ai plein de petits mots un peu « faciles » pour y répondre, mais je dirais : urgence, vérité, mise à l’épreuve, éprouver, recommencer, et surtout l’adjectif « fébrile ».

J’aime la frustration que le théâtre provoque. Il n’y a pas de routine.

Un jour, en répétition, on croit tenir quelque chose qu’on ne veut absolument pas perdre. Le lendemain, armé d’une volonté sans borne, on tente de retrouver ce « quelque chose », on croit faire pareil et ça ne fonctionne pas du tout. On ne peut pas tricher, ça se passe, ou ça ne se passe pas. Enfin je crois pouvoir le dire comme ça.

C’est comme une sorte de pacte qu’on passe « entre nous », metteurs en scène et comédiens. On décide de monter un texte avec cette envie commune qui nous titille, on tentera le tout pour le tout, avec des moments de frustrations, de joie, d’interrogation, et ainsi de suite. Prends vraiment mes mots avec des pincettes. (rires)

  • Parle-nous un peu de tes premiers projets d’avenir, si tu peux les dévoiler… ?

Dans l’immédiat, avec d’autres étudiants de l’ENSATT je vais passer trois semaines avec le metteur en scène Cyril Teste, sur la création de PANORAMA au Théâtre de la Cité internationale. C’est une création collective axée sur l’avenir, plus précisément sur notre avenir en tant que jeunes artistes, et sur la rencontre.

Ensuite, j’hésite à faire une année de post-diplôme à l’ENSATT, pour voyager et travailler à l’étranger, sur des partenariats de l’école — en Norvège, en Espagne, au Portugal — car je n’aurai sans doute pas cette chance avant un moment. Tourner et créer à l’étranger est plutôt rare, surtout quand on n’est pas aidé par une structure ou un dispositif de mobilité.

Concernant mon projet principal, mon objectif est de créer une compagnie franco-suisse, avec une amie proche et une actrice que j’estime, Romane Buunk. Elle et moi avons des points communs, des désirs et des rêves pleins la tête qu’on aimerait beaucoup réaliser ensemble.

Notre premier projet serait axé sur la langue de Jean-Luc Lagarce que nous avons eu le bonheur de découvrir au cours d’un stage de six semaines, sous la direction de Vincent Garanger. Ce travail nous a beaucoup appris en si peu de temps et nous aimerions assurément le reprendre avec des camarades de notre promotion. Une belle façon de prolonger le travail avec un auteur rencontré et apprécié durant notre enseignement et de pouvoir enfin se lancer, ensemble.

Nous désirons aussi mélanger les arts et nous surprendre avec cette compagnie. Pour ne citer qu’un exemple, Romane développe actuellement avec la peintre BeBu une création mêlant arts visuels et théâtre. Un spectacle nommé Trois petites entités… et puis s’en vont qui nous livre la vie d’une femme qui rêve de créer l’Humain idéal en se lançant dans la construction d’un géant. Une odyssée à la recherche d’une nouvelle humanité qui sera tenue par BeBu et l’actrice Claire Mattina, également de notre promotion.

Mélanger les arts signifie également y intégrer tout ce qui nous anime, ce qu’on aime éprouver au quotidien en nous-mêmes. À titre personnel, je me passionne depuis longtemps pour la création de contenus digitaux, ainsi que pour la musique via mon grand-père puis au Conservatoire de Fribourg, ou encore pour le rap, réel besoin que je partage avec des amis. C’est un bagage qui me sera utile, pour sûr.

  • Un dernier conseil à donner, à celles et ceux qui voudraient te suivre à l’ENSATT ?

Profiter de tout ce qui t’est apporté, même ce qui peut paraître loin de toi au premier abord. Il y a toujours quelque chose à en tirer.

Profiter aussi et surtout de cette chance qu’offre l’école : les autres. Ce n’est pas toujours facile de franchir le pas (je le sais par expérience) et ça peut aussi prendre du temps, mais il y a toujours de très belles rencontres à la clef, et qui amènent à créer, qui plus est.

Crédits photo : Christophe Vauthey, dans son projet solo de dernière année à l’ENSATT.